Friday, May 4, 2012

Les diamants sont-ils les meilleurs amis d’Israël ?

La condamnation cette semaine de l’ancien président du Liberia, Charles Taylor, pour crimes contre l’humanité a incité certains journalistes à rappeler à quel point son procès fut brièvement étincelant. Les preuves apportées par le top-model Naomi Campbell, qui avait reçu des pierres précieuses de Taylor, ont contribué à associer ce dernier à la contrebande des diamants.

Il n’est que légitime de dénoncer le rôle du commerce du diamant dans le financement des conflits africains les plus sanglants. Mais pourquoi observe-t-on un silence quasi-total sur l’importance des diamants pour Israël, dont l’économie s’appuie sur l’oppression et l’apartheid ?

En guise de préparation à quelques conférences que j’ai données en Belgique durant la dernière quinzaine, j’ai examiné les connexions entre Israël et le secteur anversois du diamant. Les résultats de mes recherches m’ont sidéré.

En septembre dernier, le Premier ministre belge d’alors, Yves Leterme, a entrepris une visite au Moyen-Orient, au cours de laquelle il a célébré l’importance du commerce du diamant entre la Belgique etIsraël. Leterme a fait état de données montrant que ce commerce bilatéral du diamant portait sur quelque 2 milliards d’euros (soit 2,6 milliards de dollars) par an.

Une contribution d’un milliard de dollars

Si l’on considère que la totalité du commerce de l’Union européenne avec Israël a représenté aux alentours de 20 milliards d’euros en 2009, cela nous montre qu’environ 10 pour 100 des affaires entre l’UE et Israël pourraient passer par Anvers.

Leterme a négligé de faire remarquer que les diamants constituent une importante source de revenus pour l’armée israélienne. Ainsi, je lui recommanderais de lire l’ouvrage Corporate Complicity in Israel’s Occupation (La complicité du monde des entreprises dans l’occupation israélienne), qui s’appuie sur le travail du Tribunal Russell pour la Palestine. L’un des contributeurs de cet ouvrage, l’économiste israélien de gauche Shir Hever, prétend que chaque fois qu’Israël vend un diamant à l’étranger, une partie de l’argent impliqué dans la transaction contribue à financer l’armée israélienne.

Hever a calculé que les diamants rapportent au moins 1 milliard de dollars chaque année à la guerre d’Israël et à l’industrie centrée sur l’occupation.

Le commerce d’une moitié environ des diamants polis dans le monde passe par Anvers. Et au moins deux des trois plus grosses sociétés diamantaires israéliennes - AA Rachminov et MID House of Diamonds – ont des bureaux dans le port belge.

Une contradiction fondamentale

Depuis 2003, l’UE est active dans le Kimberley Process, un forum international censé empêcher le commerce international du diamant de contribuer à la guerre et aux violations des droits de l’homme. L’UE exige même que les diamants passant par Anvers et autres centres importants du commerce des pierres précieuses, comme Londres et Amsterdam, soient dotés de certificats d’origine prouvant qu’ils ne sont pas entachés par l’un ou l’autre conflit.

Pour, ici, il y a une contradiction fondamentale. La définition de « diamant du sang » ou « diamant de la guerre » telle que la manient l’UE et les États-Unis ne s’applique qu’aux diamants bruts, et non aux diamants taillés et polis exportés par Israël. Une réunion des participants au Kimberley Process, prévue pour le mois prochain, est censée plancher sur la nécessité de modifier cette définition. Les États-Unis, qui président de Kimberley Process depuis janvier, ont déclaré qu’ils s’opposeraient à l’élargissement du concept des diamants de la guerre aux diamants taillés et polis.

Anvers pourrait bientôt assumer une place plus importante encore dans le commerce mondial du diamant.

En avril, The International Herald Tribune faisait état de plans visant à faire des diamants une marchandise disponible pour les investisseurs, de la même façon que l’on a commercialisé l’or via des fonds sur les échanges. Suite à une proposition étudiée par la Commission américaine sur les titres et les échanges, le premier fonds d’échange couvert par des diamants impliquerait la mise en stock de diamants d’un carat dans une chambre forte à Anvers. Un index quotidien des valeurs attribuées aux diamants serait instauré.

De même, un luxueux magazine diffusé à Bruxelles présente également dans son tout dernier numéro un article de fond sur Anvers. Comme le reste de la Belgique s’enfonce dans la récession, « les 57 milliards de dollars du secteur du diamant à Anvers font du bruit », estime le magazine.

Je soutiens entièrement la campagne en faveur du boycott, du désinvestissement et des sanctions (BDS)contre Israël. Il est toutefois possible que la campagne BDS ne se soit pas encore penchée sur le soutien d’Anvers à l’apartheid israélien d’une façon aussi minutieuse qu’elle ne l’aurait dû et ce, malgré le fait que la présence d’importantes sociétés diamantaires israéliennes à Anvers pourrait constituer une excellente cible aux protestations, voire même à l’action directe.

Je ne puis prétendre à la moindre expertise à propos du commerce du diamant. Mais je sais comment identifier l’hypocrisie. Et c’est précisément ce que j’ai découvert dans la façon dont les diamants en provenance d’Afrique sont considérés avec suspicion, alors qu’on ne dit pour ainsi dire rien de la façon dont les diamants contribuent à financer l’apartheid israélien.

Traduction : www.pourlapalestine.be

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